Cabinet en propriété intellectuelle au Canada

La Cour d’appel fédérale annule le test en deux étapes pour évaluer la « diligence requise »

Rédigé par Michael Sgro et David Schwartz

Le 5 septembre 2025, la Cour d’appel fédérale (CAF) a infirmé la décision rendue par la Cour fédérale (CF) dans l’affaire Matco Tools Corporation c. Canada (Procureur général), 2025 CF 118, et a rétabli la décision du commissaire aux brevets, qui avait refusé de rétablir la demande de brevet canadien no 3086194 réputée abandonnée (la « demande ») (Matco Tools Corporation c. Canada (Procureur général), 2025 CAF 156).

Nous avions analysé la décision de la CF dans notre article du 6 février 2025.

Contexte

La date limite de paiement de la taxe de maintien en état pour 2022 n’a pas été respectée en raison d’une erreur de migration des données qui a empêché l’enregistrement de la demande dans la base de données du service tiers de paiement des rentes. Ce service a informé le demandeur de cette erreur, mais celle-ci n’a pas retenu l’attention de ce dernier. L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a envoyé un Avis du commissaire – Non-paiement de la taxe de maintien en état pour une demande de brevet aux agents de brevets canadiens du demandeur, qui ont transmis cet avis au cabinet d’avocats américain du demandeur, de qui les agents de brevets canadiens recevaient des instructions concernant la poursuite de la demande. Conformément aux instructions permanentes données par le demandeur à son cabinet d’avocats américains, c’est-à-dire de ne prendre aucune autre mesure concernant la taxe de maintien en état, le cabinet n’a pas transmis l’avis du commissaire au demandeur. La taxe de maintien en état et la surtaxe n’ont donc pas été payées, et la demande a ainsi été abandonnée. La requête du demandeur pour rétablir sa demande a été rejetée par le commissaire. 

Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du commissaire auprès de la CF, qui a annulé la décision du commissaire et renvoyé l’affaire pour un nouvel examen. La CF a souligné que certains aspects de la décision du commissaire indiquaient que celle-ci était déraisonnable en raison d’un manque de justification, de transparence et d’intelligibilité, notamment la conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi l’avis du commissaire ne lui avait pas été transmis, et celle selon laquelle l’erreur de migration des données n’était pas pertinente puisqu’elle aurait pu être corrigée si l’avis du commissaire avait été transmis au demandeur. Le procureur général du Canada a porté la décision de la CF en appel.

Décision de la Cour d’appel fédérale

La CAF s’est basée sur trois points pour rétablir la décision du commissaire.

D’abord, la CAF a confirmé que l’obligation d’exercer la diligence requise s’appliquait aux agents de brevets canadiens, au cabinet d’avocats américain et au service de paiement des rentes. Autrement, les demandeurs pourraient être tentés de limiter la portée de leurs instructions afin de réduire ou de contourner les exigences strictes en matière de diligence requise, en invoquant simplement la portée limitée des instructions qu’ils ont données à leurs agents et autres représentants.

Ensuite, la CAF a conclu que le commissaire n’avait pas commis d’erreur en affirmant que l’erreur de migration des données n’était pas pertinente et en s’intéressant à la période suivant l’avis du commissaire, et a souligné que l’« omission » visée au paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets correspond à l’omission d’éviter l’abandon de la demande, et non à l’omission de payer la taxe de maintien en état.

Finalement, la CAF a déterminé qu’il n’était pas déraisonnable pour le commissaire d’affirmer que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi l’avis du commissaire ne lui avait pas été transmis. Bien que le cabinet d’avocats américain ait reçu pour instruction de ne pas payer la taxe de maintien en état et/ou la surtaxe, la CAF a estimé que ces instructions ne signifiaient pas pour autant de ne pas transmettre les communications envoyées par l’OPIC concernant cette taxe, ou de ne pas informer le demandeur des manquements à l’égard de ces paiements.

Analyse

La décision de la CAF est importante à au moins deux égards :

  • Elle confirme que la période à prendre en compte pour évaluer si la diligence requise en l’espèce a été exercée correspond à la période comprise entre l’envoi de l’avis du commissaire et la date limite qui y figure; et
  • Elle confirme que l’obligation d’exercer la diligence requise s’applique non seulement au demandeur ou au breveté, mais aussi aux autres personnes autorisées comme les agents de brevets canadiens inscrits au dossier, les conseillers juridiques étrangers et les services de paiement des rentes.

Il est possible que de nombreuses parties participent au paiement de la taxe de maintien en état : le demandeur ou le breveté, un service de paiement des rentes, des conseillers juridiques étrangers et l’agent de brevets canadien. La décision de la CAF met en lumière l’importance de mettre en place des procédures efficaces et solides afin de s’assurer que la personne responsable des décisions à l’égard d’une demande ou d’un brevet reçoive la correspondance du Bureau des brevets.

Ce qui précède se veut une mise à jour régulière du droit réglementaire de la propriété intellectuelle et des technologies au Canada. Le contenu est informatif seulement et ne constitue pas un avis juridique ou professionnel. Pour obtenir de tels conseils, veuillez communiquer directement avec nos bureaux.