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Les exigences en matière de langue française au Québec : Partie 3 - Langue utilisée dans les publications commerciales, y compris les sites web et les médias sociaux

Rédigé par Stéphanie Girard

 

Avis important : Le 13 mai 2021, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 96 qui vise à mieux protéger la langue française dans la province du Québec. Bien que le contenu de notre série sur les exigences en matière de langue française au Québec reflète toujours l’état actuel du droit en la matière, la législation proposée modifie certains articles de la Charte de la langue française relativement à la langue du commerce et des affaires. Par conséquent, dans l’éventualité où le projet de loi 96 est adopté, notre cabinet mettra à jour sa série sur les exigences en matière de langue française au Québec. Nous vous invitons à vous abonner à notre infolettre afin de rester à l’affût des développements.
Ce troisième article de la série sur les exigences en matière de langue française au Québec traitera des règles applicables pour les publications commerciales. Pour une introduction à la Charte de la langue française (L.R.Q. c. C-11) (la Charte), ainsi qu'un aperçu des exigences relatives aux inscriptions sur les produits et la documentation qui les accompagne, veuillez consulter les articles précédents de cette série Partie 1 - Une introductionet Partie 2 – Inscriptions sur les produits et la documentation les accompagnant.

 

Règle générale

La règle générale sous la Charte est que toute « publication commerciale » doit être en français1. Les publications commerciales comprennent notamment les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication similaire, ainsi que les contrats, les factures, les sites web et les médias sociaux2. Une publication commerciale peut à la fois être rédigée en français et dans d’autres langues, à condition que le français y figure de façon au moins équivalente à ces autres langues (individuellement).  Veuillez consulter l'article de cette série intitulé Partie 2 – Inscriptions sur les produits et la documentation les accompagnant 3 pour l’interprétation du critère « de façon au moins équivalente ».

Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (L.R.Q. c. C-11, r.-9) (le Règlement) nuance davantage la règle générale énoncée ci-dessus : toute publication commerciale peut être publiée en deux versions distinctes, l'une exclusivement en français et l'autre exclusivement dans une autre langue, à condition que la version française soit tout aussi accessible et de même qualité que celle dans une autre langue4. Dans ce contexte, les entreprises doivent donc être prudentes lorsqu'elles utilisent un outil de traduction en ligne pour traduire leurs publications commerciales, puisque le résultat pourrait ne pas correspondre à la qualité de la version originale. Ultimement, cela pourrait ne pas être acceptable par l'Office québécois de la langue française (OQLF)5.

Exceptions

Comme pour toutes les règles, il existe des exceptions. Les exceptions à la règle générale énoncée ci-dessus se trouvent dans le Règlement :

Les inscriptions suivantes figurant sur les catalogues, brochures, dépliants, annuaires commerciaux et toute publication similaire, peuvent être rédigées exclusivement dans une langue autre que le français :

  • le nom d'une entreprise établie exclusivement hors Québec ;
  • une appellation d'origine, la dénomination d'un produit exotique ou d'une spécialité étrangère, une devise héraldique ou toute autre devise non commerciale ;
  • un toponyme désignant un lieu situé hors du Québec ou un toponyme dans cette autre langue officialisée par la Commission de toponymie du Québec, un patronyme, un prénom ou un nom de personnage, de même qu’un nom distinctif à caractère culturel ;
  • une marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, c. T-13), sauf si une version française a été enregistrée (cette exception sera détaillée dans un prochain article de cette série)6.

En plus des exceptions ci-dessus, le Règlement prévoit également des exceptions pour les publications commerciales concernant une activité ou un produit culturel ou éducatif7, ou relatives à un congrès, un colloque, une foire ou une exposition8.

Sites web et médias sociaux

La Charte a été adoptée bien avant qu'Internet et les médias sociaux ne révolutionnent notre monde. De ce fait, les sites web et les médias sociaux ne sont pas directement mentionnés dans la Charte et le Règlement. Toutefois, la Cour et l'OQLF ont interprété « publication commerciale » comme comprenant les sites web et les médias sociaux9.

Cependant, selon la pratique actuelle de l'OQLF, ce ne sont pas tous les sites web et les pages de médias sociaux accessibles dans la province de Québec qui doivent se conformer aux exigences de la Charte. En effet, seulement les sites web et les médias sociaux des entreprises ayant un établissement dans la province de Québec qui annoncent, commercialisent ou offrent autrement des produits et services aux consommateurs québécois devront s’assurer d’être conformes aux exigences prévues sous la Charte et le Règlement en matière de publications commerciales10.

En pratique, cela signifie qu'une version française du site web doit être disponible, ce qui comprend non seulement le contenu principal du site web, mais aussi ses conditions d’utilisation, la politique de confidentialité, toute convention d'achat, ou politique d'expédition/retour, toute FAQ, etc. Dans le cas où la version originale du site web est dans une langue autre que le français, la version française de ce site devra être de la même qualité que celle de la version originale.

Pour les médias sociaux, il peut être inhabituel et très peu pratique d'avoir un compte en français et un compte dans une autre langue ; les entreprises auront généralement un seul compte. Ainsi, elles doivent s'assurer que leurs communications sur les réseaux sociaux (dans une langue autre que le français) de nature commerciale destinées aux consommateurs québécois sont également en français et répondent au critère « de façon au moins équivalente » dont il est question précédemment. Bien entendu, les entreprises n'ont pas de contrôle, entre autres, sur les annonces ou les Tweets sponsorisés, ou encore sur la langue utilisée par les individus pour publier un commentaire. Toutefois, lorsqu'un consommateur québécois communique en français avec une entreprise, par exemple en commentant un message, l'entreprise doit lui répondre en français. Par contre, si le commentaire est en anglais, il est permis à l'entreprise de répondre à cet individu en anglais11.

Nous avons constaté ces dernières années qu'un pourcentage important des amendes imposées par la Cour est afférent aux sites web non conformes12. Les amendes prévues sous la Charte seront traitées plus en détail dans un prochain article de cette série.

Si vous avez d'autres questions sur les exigences sous la Charte et les exceptions relatives aux publications commerciales, veuillez contacter un membre du groupe de marques de commerce de notre cabinet pour obtenir des conseils et une assistance supplémentaire.

Le prochain article (partie 4) de la série sur les exigences en matière de langue française au Québec examinera le langage utilisé dans l’affichage public et la publicité commerciale.

Références

1. Charte, article 52.

2. Charte, article 52, et Le français dans la documentation commerciale, disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/depliants/20120425_depliant_5B.pdf.

3. Charte, articles 89 et 91.

4. Règlement, article 10.

5. Un virage numérique profitable en français, disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/francisation/entreprises/201711_virage-numerique-profitable.pdf, p. 2.

6. Règlement, article 13.

7. Règlement, article 11.

8. Règlement, article 12.

9. Les médias sociaux et la Charte de la langue française – Guide pratique à l’intention des entreprises, disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/francisation/entreprises/guide-medias-sociaux.pdf, p. 7, et Québec (Procureur général) c. Waldie-Reid, 2020 CanLII 63270 (QCCQ), et Reid c. Cour du Québec, 2003 CanLII 17980 (QCCS).

10. Les médias sociaux et la Charte de la langue française – Guide pratique à l’intention des entreprises, disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/francisation/entreprises/guide-medias-sociaux.pdf, p. 7-8.

11. Les médias sociaux et la Charte de la langue française – Guide pratique à l’intention des entreprises, disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/francisation/entreprises/guide-medias-sociaux.pdf, p. 7 et 9.

12. Liste des amendes imposées par la Cour du Québec: disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/francisation/respect/index.html.

Ce qui précède constitue une mise à jour, en date de cet article, en matière de droit canadien de la propriété intellectuelle et des technologies. Le contenu est uniquement informatif et ne constitue pas un avis juridique ou professionnel. Pour obtenir de tels conseils, veuillez communiquer directement avec nos bureaux.